L'affaire de la Bourse du travail.

Avec Hervé Le Blanche

L'installation d'une Bourse du travail à Sète fut un long épisode (1891-1902) qui témoigne de la puissance, mais aussi de la division, du mouvement social à Sète. La vie politique et sociale de la cité fut marquée par l'action d'un riche mouvement social qui s'exprima fortement à cette occasion et qui fit de Sète un des bastions républicains dans l'Hérault.

                                                                                    -----------------------------------------------

Au plan national, la République s'enracine définitivement quand un républicain, Jules Grévy, accède à sa présidence, après la démission de Mac-Mahon (1879). Sète se trouve en communauté d'idées avec l'ensemble du pays.

Sculpture, Art, Sculptures

Et les édiles de la ville appliqueront fermement les mesures de laïcisation de la société : approbation des lois scolaires laïques, février 1879 ; interdiction des processions religieuses sur la voie publique, mai 1880 ; laïcisation des écoles communales. Ces mesures sont prises par des maires radicaux (républicains avancés) soutenus, comme Jacques Sales (en 1881), par un mouvement socialiste puissant.

                                                                                       ------------------------------------------

Jean Sagnes (Histoire de Sète) souligne que, dès 1880, la police compte 35 cercles d'ouvriers révolutionnaires groupant 700 membres. Ils se sont affiliés au Parti Ouvrier de Jules Guesde, parti marxisant groupant aussi d'autres socialistes et des anarchistes. En principe, tous sont révolutionnaires, prônent l'action armée et l'abstention aux élections. Cette contestation politique s'appuie sur un fort mouvement syndical qui se renforce avec la législation syndicale de 1880. Des grèves éclatent aux salins de Villeroy, chez les charpentiers, les ouvriers peintres. L'ordre social est contesté.

                                                                                        -------------------------------------------

Il le sera d'autant plus lorsque, en 1881, les guédistes se lancent dans la compétition électorale. En 1880, un des leurs, le cordonnier Antoine Aussenac, est élu maire. Les syndicats demandent la construction d'une Bourse du travail ; un immeuble municipal est mis à leur disposition. Il en existe alors une dizaine en France. Montpellier et Béziers en possèdent déjà. L'enjeu est de taille. Les Bourses du travail servent de lieu de réunion, mais aussi de bureau de placement. Elles accueillent les syndiqués de passage. On s'y restaure en cas de grève. Le 27 mars 1891, le décision de construction est prise en conseil municipal.

                                                                                      -----------------------------------------------

En 1892, la municipalité républicaine fait arrêter les travaux. En 1895, la liste socialiste dirigée par Honoré Euzet en fait achever la construction. Mais les syndicats n'acceptent pas que Euzet veuille choisir le secrétaire de la Bourse qui demeure fermée. Une crise municipale s'ensuit, Euzet doit démissionner. Molle, soutenu par les syndicats et le Parti Ouvrier, le remplace. Et le 10 mars 1902, la Bourse est remise à l'Union des syndicats. Malgré un différend autour d'une subvention municipale, les syndicats continuent d'administrer le local. La Bourse de Sète deviendra la première de l'Hérault, représentant 28 % de tous les syndiqués du département, recrutant surtout chez les métiers du port et les pêcheurs.

                                                                                       ------------------------------------------

Ce fut un long et difficile combat. La remise en cause de l'ordre social avait d'importantes répercussions politiques et l'épisode agita la cité au tournant du siècle. Que n'aurait-on pas fait alors pour changer la condition ouvrière ?