Emile Doumet, le Sétois indépendant.
Ordre et Progrès. Cette devise du philosophe positiviste Auguste Comte (1798-1851) aurait pu être adoptée par Napoléon III (1852-1870) et son soutien à Sète jusqu'en 1863. Il a contribué à faire régner l'ordre politique, mais il a largement œuvré pour le progrès d'ensemble de sa communauté. Et les Sétois lui en seront reconnaissants.
De même que la personnalité de Napoléon III intrigue toujours les historiens, celle de Doumet pose problème. Jean-Jacques Vidal, dans le chapitre "Vers la maturité" de L'Histoire de Sète (Privat, 1987), s'interroge sur ses motivations : Doumet était-il vraiment bonapartiste ? Autoritaire, ambitieux, n'a-t-il pas simplement profité des circonstances pour jouer un rôle politique ? Pourtant, tout comme celle de l'empereur, son œuvre sociale ne fut pas négligeable. Il est le créateur d'un nouvel ordre urbain marqué jusqu'à la fin du XIXè siècle. Par un large appel au crédit, il va métamorphoser l'agglomération. Il fait achever l'hôpital Saint Charles mis en chantier en 1845, de même que le chenal maritime, l'actuel canal latéral. L'équipement sanitaire sera complété par le Lazaret mis à disposition des dix médecins sétois. Mais deux importantes réalisations urbanistiques comptent dans le bilan de Doumet. Après l'échec d'un premier projet (1859), Duponchel reprend le captage des eaux de la Vène à Issenka. L'eau coule le 3 mai 1863 et des machines à vapeur l'élèveront jusqu'au parc du "Château d'eau" (parc Simone Weil). Et le parc prendra son essor dans les années 1870-1900 par un appel à un décorateur spécialiste.
L'effort d'urbanisme de Doumet remodèle la ville. Dans la ville ancienne, un effort d'alignement est entrepris entre le plan de l'Hospitalet et l'hôpital Saint Charles. Mais les axes principaux se dégagent mal : il faut des ponts pour accéder aux nouveaux quartiers. Le "vieux" pont de la ville est détruit en 1840, remplacé par ceux de 1841 et 1843 sur le canal. Et, des abords de l'hôpital à la rue Caraussane, on construit des immeubles de rapport sur les anciens terrains Auriol aux alentours de "l'Esplanade neuve" (place de la République). Quelques progrès dans le domaine scolaire et l'appui des tonneliers – toujours menagés, valent à Doumet une certaine popularité. Alors qu'après 1861 (lettre de l'empereur) le régime se libéralise et évolue vers le parlementarisme, cela ne semble pas être du goût de Doumet : aux législatives de 1863, il s'oppose au candidat officiel le montpelliérain Pagézy. La campagne électorale est "animée". On manifeste, on placarde des affiches à la porte de Saint Louis. Une charogne de chat figure "le candidat du gouvernement" (Histoire de Sète, p.207). Pagézy ne recueillera que 526 voix à Sète. Même le socialiste Chamaraule n'en obtiendra que 170. Doumet est soutenu par 3 909 voix.
Mais il n'avait plus la confiance des autorités : il démissionne de ses mandats politiques. Riunier-Vivarez lui succède à la mairie. Doumet a-t-il été soutenu par esprit de clocher, par une opposition masquée à l'Empire ? Toujours est-il qu'il n'aura pas à affronter les tourmentes du milieu de la décennie 1860.