Lors de la première vague de la pandémie, chacun sentait bien que l'origine profonde de nos maux n'était pas ce minuscule virus de 10 nanomètres de diamètre mais bien plutôt l'inconscience écologique des hommes.
De nombreuses espèces vivantes disparaissent mais cette perte de biodiversité, paradoxalement, favorise le développement des microbes qui pullulent plus que jamais1.
Le saccage de la planète pour satisfaire notre appétit de consommation est alors apparu clairement comme suicidaire. Dans une économie mondialisée, nous avons aussi pris conscience des effets pervers de la recherche du gain à court terme.
Nous avons découvert notre dépendance vis à vis de l'étranger pour des biens indispensables à notre survie : masques, médicaments et nombre de produits de base. Nous avons enfin réalisé que ceux qui assuraient les services essentiels à la marche du pays étaient les plus mal payés.
L'unanimité s'est faite au plan national. Elus et dirigeants de tous bords ont assuré qu'ils allaient œuvre aux profondes réformes nécessaires et changer de cap. Les citoyens eux-mêmes semblaient prêts à modifier leurs comportements. Nous avons cru à la possibilité d'un "monde d'après", plus solidaire, plus responsable, plus désirable.
Hélas, au sortir de la deuxième vague, malgré plus de 50.000 décès, les signaux se multiplient qui annoncent le retour en force du "monde d'avant".
Les retraites, les 35 heures, l'ISF et les thèmes précédant la crise sanitaire redeviennent d'actualité. Pour 2021, le gouvernement table sur un déficit de 7% du PIB. Pour combler le trou, la créativité des technocrates est donc de nouveau sollicitée pour imaginer de nouvelles taxes, des impôts qui ne disent pas leurs noms. Dans le même temps l'Allemagne réduit ses dépenses et mise sur un retour à l'équilibre budgétaire dès 2022.
La « République des camarades » déjà dénoncée par Clémenceau, reste éternelle. Les anciens ministres de Hollande, ceux de Sarkozy et les opposants professionnels qui occupent la scène depuis des décennies reviennent sur les plateaux de télé.
Même le plastique et le jetable ont retrouvé une nouvelle jeunesse avec les masques, les blouses, les écrans de protection en plexiglas, etc. La loi du début de l'année interdisant les pailles et les couverts à usage unique semble bien loin.
Avec l'annonce du premier vaccin contre le Covid-19, les cours des bourses se sont envolés à Paris comme à New-York. Les groupes pharmaceutiques ont flambé en premier mais tous les autres ont suivi. Air-France KLM en hausse de 30% annonce ainsi le retour des affaires et des touristes du monde d'avant. A peine déconfinés, ils s'apprêtent à partir à l'autre bout de la planète, dans un hôtel cinq étoiles avec piscine, à quelques centaines de mètres d'un bidonville où 10 000 personnes manquent d'eau potable. D'autres plus modestes iront dans quelques mois s'entasser sur les plages de notre beau Languedoc. Ils contempleront les flots bleus d'une Méditerranée qui agonise sous les déchets mais trouve encore le moyen de servir de sépulture aux migrants venus d'Afrique.
En attendant ces vacances de rêve, l'économie est devenue la nouvelle urgence de ce mois de décembre. Le déconfinement s'accélère. Noël se prépare. Le foie gras et le champagne seront bientôt en rupture de stock. Le réveillon sans couvre-feu de la saint Sylvestre relancera la troisième vague. A temps pour permettre aux laboratoires pharmaceutiques de mieux écouler les millions de doses de vaccin et d'assurer le retour de leur investissement.
L’espoir que tout change s'éloigne.
Je fais malgré tout partie de cette poignée d'optimistes qui croit que l’humain redeviendra un jour la priorité de notre monde. En attendant, mieux vaut aller à contre-courant qu'à contrecœur.
Jacques Carles
1 J.Carles et Michel Granger. L'Apogée, l'Avenir en Perspective.