Sète, dans les années soixante : les difficultés du port.

La situation de Sète lors de la célébration du tricentenaire appartient à l'Histoire. La brochure publiée à cette occasion, lorsqu'on la feuillette, nous plonge dans une époque aux données disparues ou contestées. Et certaines prévisions à long terme qui paraissaient favorables au port ne se sont jamais réalisées.

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Certains, comme le professeur Galtier lui-même qui supervisa la publication de la brochure, définissaient Sète comme port de "moyenne importance", en expansion continue de 1938 à 1954. Alors que Gilles Salvat, attaché culturel à la mairie, parle d'une crise structurelle ouverte depuis la fin des années trente en relation avec le "mal développement" du Languedoc. Peut-on parler, sur le long terme, de "l'échec" de Sète ? Comme tous les ports français, souligne G. Galtier, Sète est un port importateur : les entrées représentent 78 % du trafic en 1964. C'est le même ordre de valeur que Marseille et Le Havre. Signe des temps, les hydrocarbures (pétroles bruts destinés principalement à la raffinerie Mobil Oil de Frontignan) en représentent près de 70 %.

Destinés au complexe chimique de Balaruc, les phosphates (10 %), les soufres et pyrites (1,3%), les minerais (1,1%), le charbon (0,87%) sont les autres produits importés. Hydrocarbures, engrais et produits chimiques sont les principaux articles d'exportation. Les produits de l'agriculture de la région, eux, représentent 74 195 tonnes, dont 3,8 % de vins et alcools. Sète exporte dans les ports méditerranéens pour les engrais chimiques, en Europe du nord (Grande-Bretagne, Irlande, Danemark) et en ancienne AOF pour les ciments et produits chimiques.

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Le port alimente le seul complexe industriel du Languedoc et le Bassin parisien, l'Alsace en produits alimentaires. Mais, depuis la fin de la guerre d'Algérie, le trafic global baisse. Aussi, le professeur Galtier s'essaye à la prédiction : "L'avenir du port de Sète peut être brillant". Comment ? Eh bien, l'industrie du complexe sétois se développera. Le VIè Plan (autre marqueur de l'époque, la planification incitative) ne prévoit-il pas l'installation d'une centrale EDF au fioul ? Et puis, il faut alimenter la marché régional et l'usine Mobil Oil de Frontignan se développera. Le comblement de l'étang des Eaux blanches permettrait la création de Hauts fourneaux, alimentés par le coke allemand, le minerai de fer de Mauritanie, du Gabon…

A regarder bien loin, la vue du professeur Galtier se trouble. Mais il est un point où il rejoint des censeurs plus sévères de l'activité portuaire : "Il faut exploiter la situation de Sète à 80 km du Rhône devenu presque complètement navigable. Il faut joindre la voie rhodanienne par un canal à grand gabarit." Et comme au long du canal d'Alsace : "Sur le cours de ce canal s'installeraient de nombreuses usines qu'il ravitaillerait en matières première et dont il évacuerait la production". Car, au delà du Rhône, c'est le Rhin qu'il faut rejoindre. Sète serait alors connectée au cœur de l'Europe industrielle.

La liaison Rhin-Rhône a fait reculer bien des gouvernements. Mais aujourd'hui, Sète est reliée à des lieux distants de 600 km du Languedoc. Sète n'atteint pas le Rhin, mais le canal était nécessaire.