Les murailles de Sète.

Les murailles de Sète.

 

 Sète est sans doute une ville récente à l’échelle de l’Histoire de la province et du pays (le môle a été commencé en 1666) mais certains monuments, quelque peu périphériques, témoignent d’un passé parfois agité. Le fort Saint-Pierre (actuel théâtre Jean Vilar) et le fort Richelieu (dominant le quartier haut, siège du sémaphore) rappellent une époque où notre cité était menacée de l’extérieur.

 

Dans les années 1710, Sète est une bourgade, nommée parfois « village », d’environ 1800 habitants où l’espace habité est parsemé de cours et jardins, de vignes, d’écuries, de poulaillers.

L’hôpital est logé dans une simple maison d’une pièce, comme les écoles. L’église Saint-Louis, à peine achevée, n’est pas encore pourvue de perron. Les édiles n’ont pas encore acheté l’hôtel de ville. Une vingtaine de maisons longent le canal, au delà de notre « premier pont » ; à l’époque, un pont de bois relie la ville à la route de Montpellier. Cinq maisons dont une auberge font face à l’agglomération. Pourtant, Cette doit être le débouché de la province du Languedoc et le second port du royaume en Méditerranée, après Marseille. L’importance de la ville à venir est pressentie aussi par les ennemis du royaume. Pendant la guerre de succession d’Espagne (1710-1713), alors qu’en Espagne et sur la frontière nord de la France s’étripent Français, Anglais, Hollandais et Impériaux, la flotte britannique tente un coup de main sur le Languedoc.

Débarqués par la flotte de l’amiral Norris, 1500 hommes se rendent maîtres de Cette pendant trois jours, du 25 au 28 juillet 1710. La descente anglaise traumatisa durablement la province. La monarchie mobilisa un de ses grands commis, Antoine Niquet (1641 ?-1726), ingénieur du roi et directeur des fortifications du Languedoc.

Sous son impulsion, le fort Saint-Louis (au delà de la partie coudée du môle) complète son armement, triple la capacité de ses casernes en 1711. Au dessus de l’anse du Lazaret, on dresse une batterie semi circulaire à deux bastions, la Butte ronde, dont les 6 canons doivent prévenir toute action hostile. Rien ne reste aujourd’hui des autres fortifications de la ville, enserrée dans des murets de pierre sèche baptisés « murailles ».

Des murailles, des murs de fortification, des vrais, surgiront après 1743 quand un nouveau conflit, sous Louis XV, opposera la France et l’Angleterre (guerre de succession d’Autriche). Le Languedoc paraît bien démuni. Les protestants des Cévennes acceptent mal l’ordre royal. On fait alors appel à un autre ingénieur royal, Jacques-Philippe Mareschal, nommé en 1739, à 50 ans, Ingénieur des fortifications de Provence et Languedoc. Il est connu aussi comme directeur des travaux publics des Etats du Languedoc ; on lui doit la Fontaine de Nîmes. A Sète, selon M. Catarina, il fera ériger, reprenant les plans de Niquet, les forts Saint-Pierre et Richelieu en trois ans (1743-1746).

Le fort Saint-Pierre, ancré sur la falaise, « à 48 pieds » au dessus de la mer, aligne 7 batteries sur deux étages en épousant le terrain. Il protège la ville à l’Est et « soutient puissamment » le fort Saint-Louis. Au Nord, sur un replat dominant la ville et la rade, le fort Richelieu sort de terre : 6 batteries surveillent le port, une la « montagne ». Comme au fort Saint-Pierre, on y stocke poudre et boulets. Il en a coûté 50 000 livres aux Etats du Languedoc, ce qui n’est pas énorme pour une place militaire ; Neufhusach, en Alsace, a coûté 2 millions de livres. Au total, en 1746, Sète dispose de 52 canons. A Saint-Clair, deux soldats et un matelot assurent la veille.

Les œuvres de Niquet, « le plus habile ingénieur que notre siècle ayt produit », et de Mareschal sont visibles de nos jours.

Elles sont le témoin d’époques troublées et aussi du savoir faire des « Ingénieurs du Roy » qui possédaient les règles de la guerre et jugeaient de la valeur militaire d’un site, mais avaient aussi le goût du monumental, le souci de solidité, du « bel ouvrage ». Deux siècles plus tard, la belle élévation et la géométrie stricte des murs des bastions est là pour en témoigner.

 

Hervé Le Blanche